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Pépiniériste par passion en Serbie, Dragan Gajic rêve de la France...

« Pour être efficace, une pépinière doit avoir une spécialité », estime Dragan Gajic, dirigeant de Lepo Polge.

Faisant preuve d'un dynamisme extraordinaire, la Serbie s'intéresse aussi au jardin. Visite de Lepo Polge, la plus importante pépinière du pays, détenue par un autodidacte qui aimerait exporter dans l'Hexagone.

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En Serbie comme ailleurs, il n'y a pas d'âge pour réussir ! La preuve avec Dragan Gajic qui, à 67 ans, possède et dirige la plus grosse pépinière de ce pays des Balkans dont l'histoire récente a été chaotique. Comme souvent, dans ces pays bousculés par des événements dramatiques, la vie des hommes et des femmes n'est pas linéaire. C'est vrai pour notre homme qui a exercé le métier d'instituteur pendant quarante ans, en Serbie, en Bosnie, et en Grèce. Il a la passion des plantes, héritée probablement de son père et de son grand-père, spécialisés dans le bouturage et la production de plants d'arbres forestiers.

Spécialité d'arbres d'ornement

Mais de là à créer de toutes pièces une pépinière de 15 ha, surtout dans cette ex-Yougoslavie ballottée par les guerres, il a fallu du courage et de la volonté. Alerte et bien décidé à poursuivre son défi, Dragan Gajic n'en a pas manqué. Beaucoup du chemin a été parcouru depuis les premiers pas, il y a quarante-quatre ans, avec quelques plantations plutôt destinées à son entourage immédiat qu'à une production nationale. La persévérance a payé. Aujourd'hui, il est fier du travail réalisé et espère que son fils prendra le relais pour développer cette entreprise plusieurs fois primée aux salons de Belgrade et de Novi Sad.

L'aventure a démarré en 1971, sur un bout de terrain au sol argileux et acide, près de Ljig, à 80 km au sud-ouest de Belgrade, mais à presque deux heures de route ! L'arrivée de fonds européens pour adapter les infrastructures devrait rendre l'accès plus facile ! Dragan Gajic a démarré et étudié seul, en marge de son métier d'instituteur. En autodidacte sage et prudent, il s'est concentré sur les arbres et arbustes d'ornement. « Pour être efficace, une pépinière doit avoir une spécialité », estime-t-il. Actuellement, il est le seul à proposer des gros sujets, comme son séquoia de 80 cm de diamètre et 23 m de haut ! Lepo Polge s'est agrandie par achats successifs de parcelles assez morcelées, même si tous les terrains se situent sur un unique territoire. Cela ne facilite pas la production, toujours très traditionnelle et très manuelle. Les plantations ne sont pas alignées au cordeau ! Il règne un désordre bien sympathique avec des mélanges d'espèces et de variétés qui ne sont présentes qu'à quelques exemplaires. L'entreprise est loin de l'organisation rationnelle de ses homologues de l'Europe de l'Ouest. Mais elle fonctionne plutôt bien.

Les transplantations se font régulièrement pour favoriser le développement du système racinaire. À chaque opération, les employés recouvrent le bas du tronc avec de la bouse de vache fraîche pour protéger l'écorce et la plante. En été, les troncs sont badigeonnés avec un mélange de chaux et de bouse de vache pour les protéger du soleil. Pour les expéditions, la pépinière fait des mottes, sans oublier de marquer le nord d'un point rouge pour respecter cette orientation lors de la replantation. De même, pour les gros sujets, Dragan Gajic reste fidèle à la motte. Une nouvelle diversification est apparue : les topiaires. La demande est forte en Serbie. Pour y répondre, notre pépiniériste travaille une quarantaine de variétés de conifères qui sont taillés à la main en différentes formes. Arbustes et petits sujets sont cultivés en conteneurs. Le substrat est réalisé à base de tourbe dans laquelle un engrais à diffusion lente est ajouté. En matière d'entretien, le désherbage manuel prévaut. Quant aux traitements, ils sont rares car l'entreprise rencontre peu de problèmes sanitaires. Comme le souligne Dragan Gajic, « si les plantes poussent ici, elles s'adapteront partout ! » Il fait référence à la mauvaise qualité de son sol...

Aujourd'hui, Lepo Polge emploie 17 personnes dont 5 ingénieurs agronomes. Elle produit environ 30 000 plantes chaque année. Son credo est de faire de la qualité sur le long terme plutôt que de la quantité. Le catalogue propose 800 espèces d'arbres et d'arbustes d'ornement. Les grands arbres (plus de 10 m) sont sa spécialité. Les épicéas de Serbie font, bien évidemment, partie de l'offre. De nombreux sujets ont été exportés en Grèce et nombre d'entre eux s'épanouissent sur le mont Olympe, à 1 600 m d'altitude. La pépinière offre aussi 200 espèces de vivaces, de grimpantes et de graminées pour meubler les jardins.

Les ventes se font sur place, à des particuliers, paysagistes, sociétés et distributeurs. Dragan Gajic exporte dans les pays limitrophes et en Russie, bientôt en Belgique. Il rêve de la France... Il devient de plus en plus paysagiste. Ses clients viennent avec un plan de leur terrain et lui demandent de faire le jardin. Deux projets lui tiennent par ailleurs à coeur : reconstruire une maison de 1790 et son jardin ainsi que refaire le parc d'un général allemand qui, marié à une Albanaise, s'était installé dans la région. Lors de la Seconde Guerre mondiale, ce jardin a été détruit. Une manière d'assurer la continuité du temps et de fortifier l'Europe.

Patrick Glémas

15 hectares de pépinière Arbustes et petits sujets sont cultivés en conteneurs dans un substrat à base de tourbe, enrichi d'un engrais.

Une production manuelle La pépinière emploie 17 personnes dont 5 ingénieurs agronomes. La production reste très traditionnelle et manuelle.

De nouvelles spécialités Face à l'importante demande de topiaires en Serbie, Lepo Polge a démarré récemment la culture de ce type de végétaux.

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